Subalterne en France. Une exploration décoloniale de voix, violence et racisme dans un quartier d’habitat social marginalisé à Grenoble.

Type : Thèse de géographie, Université de Grenoble Alpes

Autrice : Claske Dijkema

Direction : Myriam Houssay-Holzschuch, Professeure, Université Grenoble Alpes; Valérie Sala Pala, Professeure, Université Jean Monnet Saint-Etienne

Date : 2021

Cette thèse cherche à repenser la stigmatisation des quartiers d’habitat social marginalisés en France à travers un cadre d’analyse à la fois postcolonial et décolonial. Son originalité réside dans l’application des théories postcoloniales en France: au présent et non pas au passé, aux espaces de la métropole et non aux anciennes colonies. Cette approche décoloniale permet d’analyser les formes de reproduction de l’injustice raciale. Dans le contexte des attaques terroristes au nom de l’Islam, je me concentre sur l’islamophobie en particulier.
Cette thèse se situe dans le projet critique qui vise premièrement à rendre visibles des réalités alternatives, restées jusqu’à présent sous le radar de la recherche en sciences sociales; deuxièmement il vise à faire de la place dans la recherche et l’écriture scientifique pour les voix des personnes rendues inaudibles dans la société plus généralement: en particulier celles des “jeunes du quartier” et des femmes musulmanes.
Cette approche décoloniale consiste à adopter une autre façon de voir, mais également une autre façon de faire de la recherche. Les explorations décoloniales entreprises sont le résultat d’une quête à la fois épistémologique et méthodologique pour élaborer de modes plus horizontaux pour « être en relation » dans la recherche. L’objectif étant de développer des méthodes qui créent les conditions pour que les chercheurs parlent avec des personnes marginalisées sur une base d’égalité et motivés par des intérêts mutuels. Ces collaborations ont pris la forme de la création d’espaces de parole avec des collectifs citoyens qui se sont organisés à Villeneuve (Grenoble et Echirolles) au lendemain de violences paroxystiques.
Dans le quartier, la violence a un triple effet de provoquer des discours stigmatisants, de réduire les voix déjà marginalisées au silence et de susciter l’urgence d’agir et de produire un contre-discours. Les habitants racisés de Villeneuve estiment qu’ils ne sont pas traités comme égaux, qu’ils ne sont pas considérés comme Français, qu’ils ne sont pas défendus et, enfin, qu’on leur refuse le droit de revendiquer des droits. Leur condition d’avoir la nationalité française sans être reconnus comme Français, i.e. leur statut de citoyen de deuxième rang, évoque la citoyenneté fragmentée qui était typique de la période coloniale. Lorsque les habitants cherchent à contester leur position marginalisée dans la société par des moyens politiques, ils sont confrontés aux stratégies de démobilisation de l’État, des institutions et d’autres acteurs établis. Ces derniers nient leurs expériences, les présentent comme culturellement
inférieurs, criminalisent leurs actions et entravent la formation de groupes et l’organisation politique. C’est dans ce contexte que la violence peut devenir une option.