« À plus d’une voix », un atelier radio pour créer les conditions de la prise de parole et se défaire de la subalternité. Modalités d’une recherche transformatrice

Type : Article dans Participations

Numéro : 32 – Epistémologies radicales

Autrices: Karine Gatelier et Séréna Naudin

Date : 2022

Résumé:

Cet article décrit une double démarche : d’une part, celle de conduire une recherche sans dominer en produisant collectivement du savoir avec des personnes qui cherchent un refuge ; et, d’autre part celle de créer les conditions de leur prise de parole émancipée des processus de subalternisation.
Les violences structurelles dans lesquelles sont prises les personnes qui cherchent refuge produisent notamment des injustices d’ordre épistémique. En effet, la procédure d’asile tout autant que les discours sur les requérant·es contraignent leur parole et ne permettent pas qu’iels soient vu·es comme des sujets politiques. Comment permettre alors la prise de parole ? Comment ne pas reproduire la violence épistémique en tant que chercheur·e ?
Interrogeant notre position dominante tant comme chercheures que comme bénévoles aidantes, nous nous appuyons sur le cadre conceptuel des subaltern studies et de la pensée décoloniale pour analyser la position assignée aux personnes en recherche de protection, et les relations qu’elles entretiennent avec les personnes « établies » à partir d’une multitude de continuités coloniales. Sur la base de ces constats, nous avons créé un atelier radio qui fonctionne comme une succession d’espaces pour transformer ces relations et créer les conditions d’une parole libérée des contraintes analysées en amont. L’atelier s’organise ainsi sous la forme d’un continuum de trois espaces : du plus protégé où la parole peut surgir, à des espaces qui s’ouvrent vers l’extérieur – avec des invité·es – jusqu’aux rencontres publiques où les productions radiophoniques de l’atelier sont présentées et débattues. Ce faisant, l’atelier est questionné sur les modalités d’une recherche transformatrice des rapports sociaux à l’œuvre : la production collective du savoir peut-elle être une praxis de l’égalité permettant d’apercevoir ces personnes comme sujets pensants et agissants ?