Communication aux journées d’étude « « Expériences de migration en contexte de violence ou quand raconter devient impossible », Maison des Sciences de l’Homme et de la Société, Université de Poitiers.
L’indicible récit de soi.
Expérience d’un atelier radio pour sortir des injonctions et des assignations adressées aux personnes en demande d’asile
L’impossibilité de se raconter, dans le cas des personnes étrangères primo-arrivantes en demande d’asile, tient aux contraintes qui enserrent la parole dans le récit victimaire de la demande d’asile et dans la position paradoxale d’assisté indésiré. Cette situation dépossède de ce soi.
Nous y voyons d’une part une violence structurelle – un statut administratif précaire hors du droit commun – et d’autre part une violence épistémique (Spivak, 2009) qui les empêche de dire qui ils sont.
Nous analysons comme indicible le récit de soi au sens où les personnes subissent un déclassement violent en s’installant en France et sont effacées par l’écran des représentations véhiculées à leur égard dans la société. L’atelier radio cherche à échapper à ces injonctions et assignations en travaillant autour des positions et de la parole (Veron, 2013).
En créant cet espace de parole, l’idée est, d’une part, d’agir sur leur situation en proposant un cadre pour changer de position et être reconnu comme un sujet pensant et agissant (Agier, 2012). D’autre part, face aux obstacles socio-politiques, économiques, administratifs, de construire la prise de parole pour chaque occasion où une domination assigne à une place non désirée. Il s’agit d’une transformation sociale pour les personnes étrangères. Enfin, après plus de deux ans d’expérience, nous constatons que c’est l’occasion de mieux connaître la condition d’étranger primo-arrivant et les mécanismes dominants et violents de notre société.