Plaidoyer pour un accueil local inconditionnel
Se saisir du calendrier électoral des Municipales 2026 et faire front commun en faveur de l’accueil dans le contexte de la montée des idées d’extrême-droite
À l’occasion des Rencontres de géopolitique critique de 2025, nous avons initié un processus d’écriture collective d’un plaidoyer en faveur de l’accueil avec des acteurs locaux engagés au quotidien : collectifs citoyens, associations et réseaux d’acteurs locaux et nationaux. Nous avons fait le choix de partir des pratiques concrètes et de la réflexivité pour donner le contenu à ce plaidoyer. L’écriture collective s’est déroulée de mars à septembre, Il est aujourd’hui soutenu et signé par près de 50 organisations. Des outils de portage sont disponibles ci dessous, pour le porter ensuite auprès des listes candidates.
Nous, associations, collectifs en soutien des personnes exilées et de personnes concernées,
Nous rappelons que l’humanité s’est construite par les déplacements humains. Nous défendons la liberté de circulation et d’installation : personne n’est légitime à décider qui a le droit ou pas d’émigrer.
Empêcher la migration constitue une atteinte à l’intégrité de l’humanité et une négation de l’histoire des sociétés.
Nous considérons que la diversité culturelle est une richesse notamment par les rencontres suscitées ; en résonance avec le principe à valeur constitutionnelle de fraternité, nous défendons l’idée que la solidarité renforce les bases d’une société unie.
Nous défendons l’égal accès à l’autonomie, au droit de vivre dignement et sereinement en soutenant les démarches locales visant à sortir les personnes des situations administratives précaires, avec des droits de séjour pérennes.
Nous refusons toute politique discriminante et injuste à l’égard des personnes exilées constituant une forme de violence institutionnelle : celle qui condamne et réalise du tri entre les humains, multiplie les risques pour la vie des personnes, produit de la défiance entre les individus, et construit des frontières qui tuent.
Pour nous, territoires accueillants et acteurs d’espaces d’accueil, nous refusons dans notre action que les personnes exilées et accueillies aient à se justifier d’être parties ; nous défendons des espaces dans la société où elles peuvent être accueillies sans se sentir obligées d’expliquer les causes de leur départ. Ces histoires sont généralement violentes et intimes, elles réactivent des vécus traumatiques, et par conséquent se partagent en fonction des affinités.
Nous nous opposons à la gestion sécuritaire des migrations car elle est guidée par la peur et fondée sur l’idée de la migration comme une menace. Nous souhaitons rétablir un débat démocratique éclairé, sur la base de données fiables, et autour de valeurs communes, pour nous ressaisir du politique.
Pour cela, nous défendons une politique respectueuse de la dignité sans préjugés et sans peurs. Nous défendons l’effectivité des droits pour tous et toutes qui est un principe fondamental de l’État de droit.
Le principe d’accueil doit ainsi permettre l’accès à l’ensemble des besoins vitaux, à l’hébergement et au logement, à l’alimentation, à l’hygiène, à la santé, à la mobilité, à l’éducation, aux droits culturels, au travail de manière à ce que chacun et chacune puisse accéder à l’autonomie. Penser une société de l’accueil revient à se sentir collectivement responsable face à la vulnérabilité de chacun et chacune dans les différents moments de la vie et donner une égale valeur à tout être vivant.
Nous défendons l’accueil inconditionnel pour garantir l’accès de tous et toutes aux lieux, dispositifs et services sans qu’aucun critère d’aucune sorte ne s’applique et que les propositions s’adressent aux personnes en situation de précarité économique, sociale et/ou administrative.
Il est indispensable d’organiser cet accueil car il nous faut sortir de la gestion dans l’urgence en co-construisant des politiques pérennes de solidarité.
Il s’agit de penser l’accueil dans les territoires, villes et villages, en reconnaissant la présence des personnes, qu’elles soient en transit plus ou moins long ou dans un souhait d’installation pérenne ; en reconnaissant la citoyenneté de résidence.
Nous défendons l’égalité politique c’est-à-dire l’idée selon laquelle chaque personne qu’elle soit établie ou nouvelle arrivante, est un sujet politique autonome et participe à la vie démocratique.
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DANS L’INTÉRÊT GÉNÉRAL, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ONT UN RÔLE ESSENTIEL |
Il s’agit pour elles de sortir du discours de l’impuissance ou de l’illégitimité et de prendre leur part de responsabilité dans la protection des droits.
Plusieurs constats sur les territoires fragilisent la cohésion sociale et obligent les collectivités territoriales à agir dans le sens de l’accueil. D’un côté, les collectivités territoriales pallient les effets néfastes des politiques nationales de non-accueil (fermeture des frontières, sous-dimensionnement du dispositif national d’accueil). De l’autre, elles répondent aux besoins non couverts par des normes qui traitent les personnes étrangères comme indésirables, en accentuant les inégalités d’accès aux droits et la concurrence des publics.
Les collectivités territoriales se retrouvent à répondre aux urgences sociales provoquées par la dégradation de l’État social et ses répercussions concrètes sur les personnes ; il s’agit ici de dépasser l’urgence et de préparer les municipalités à agir de façon pérenne.
Les collectivités territoriales jouent un rôle-clé d’intermédiaire incontournable pour mettre en acte les normes internationales par lesquelles l’État est lié, pour protéger et rendre effectifs les droits fondamentaux.
Les collectivités territoriales ont intérêt à agir dans le sens de l’accueil pour plusieurs raisons. Elles répondent tout d’abord à un besoin urgent de préserver la cohésion sociale en protégeant la dignité humaine de tous et toutes, sans discrimination y compris celle des personnes exilées présentes sur leur territoire ; et plus loin, de préserver l’ensemble d’un écosystème local, en répondant aux besoins sociaux sur son territoire.
L’accueil est par ailleurs une contribution au bien commun permettant le maintien et l’amélioration des services publics pour tous et toutes et le renforcement de la vitalité de la vie locale d’un point de vue culturel, démographique et économique.
Les collectivités territoriales ont pour cela des marges de manœuvre et des ressources juridiques sur lesquelles s’appuyer pour agir.
Les moyens de chacune des collectivités résultent également des potentialités à créer des alliances avec les autres acteurs et actrices du territoire, de la société civile et des opportunités partenariales.
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PROPOSITIONS D’ACTIONS : ACCUEILLIR, RENDRE L’INSTALLATION POSSIBLE |
Accorder le droit au séjour est une prérogative régalienne de l’État, c’est pourquoi au niveau local, nous devons solliciter nos imaginaires et notre créativité : d’une part pour interroger le cadre légal, se saisir du potentiel de la décentralisation, et y trouver les brèches d’actions permises aux municipalités ; d’autre part, pour inventer des lieux, des espaces, et questionner nos relations, pour accueillir.
Nous proposons de se saisir du droit comme ressource politique.
S’auto-saisir des compétences locales pour assurer de conditions minimales d’existence et assurer l’accès aux droits
Des lieux pour accueillir
Les municipalités et les métropoles ont la possibilité de créer et soutenir de nouveaux lieux d’accueil pour les personnes en situation de précarité : hébergement, accueil de jour et accompagnement social, soutien alimentaire, hygiène et santé.
Ces lieux ont besoin de tenir compte des trois temporalités de l’accueil :
– le court terme : l’hébergement d’urgence, le transit ou le répit de courte durée ;
– le moyen terme, d’une procédure ou d’un temps de réflexion ;
– le long terme de l’installation.
Ces temporalités peuvent être pensées et mises en œuvre dans un lien de coopération entre les municipalités et les collectifs citoyens. Il est possible de mettre à disposition des lieux municipaux en soutenant l’engagement associatif et citoyen. Dans ce cas, l’expérience et l’encadrement par les collectifs citoyens doivent être prévus et soutenus par la municipalité, dans des conditions mutuellement décidées.
Ces lieux prêtent une attention au collectif et à la convivialité, en soutenant des formes de rencontres, entre représentants des collectivités, personnes concernées, personnes solidaires pour faire à plusieurs, s’inspirer mutuellement.
Le droit au logement comme priorité pour accéder aux autres droits
Les collectivités peuvent renforcer leur politique locale du logement pour tous et toutes avec plusieurs dispositifs :
– Des priorités en matière d’habitat : les communes sont l’autorité de rattachement des offices publics de l’habitat
– La mise à disposition du parc de logements municipaux
– La lutte contre la vacance des logements ou locaux inoccupés durablement pour répondre aux besoins urgents : adopter une politique de recensement, soutenir la réhabilitation, encourager la mise en location sociale et solidaire, travailler à l’incitation fiscale (taxe sur les logements vacants et majoration de la taxe d’habitation), préempter pour des nouveaux logements sociaux.
– La réquisition dans le cadre de la résorption de l’habitat précaire ou la pénurie de logement dans le cadre d’une urgence caractérisée et d’une carence justifiée de l’État, au nom des pouvoirs de police municipale en matière de sécurité, salubrité et tranquillité publique ainsi que de protection de la dignité humaine.
– Les occupations temporaires ou les conventionnements de squats.
Assurer le rôle historique d’aide sociale aux plus fragilisé·es
– Maintenir son Centre communal d’Action sociale :
– Développer des services sociaux locaux ;
– Instaurer des aides sociales facultatives ;
– Approfondir les analyses légales des besoins sociaux au contexte local ;
– Imaginer de nouveaux services sociaux locaux ;
– Pratiquer des tarifications sociales pour l’accès aux services : alimentation, transport, eau…
– Assurer le droit à la formation : créer de nouveaux cadres quand les formations sont soumises au séjour légal, pour rendre la formation accessible à tous et à toutes ;
– Faciliter l’accès à la scolarité, au périscolaire et à la cantine.
Tous ces droits contribuent à assurer l’autonomie des personnes en situation de précarité administrative, et sortir de la logique de la dépendance, de l’aide et de l’humanitaire, pour assurer la qualité des liens entre les citoyen·nes.
Protéger et soutenir le tissu associatif et citoyen
Protéger les libertés associatives pour les actions de solidarité qui protègent les droits des personnes précarisées.
Soutenir et rendre visible le travail citoyen et associatif car accueillir c’est aussi accompagner : L’accompagnement dans les parcours et les projets nécessite de l’information, de l’écoute et de l’orientation vers les dispositifs et les ressources existantes.
Garantir la pérennité des actions alternatives en dehors des changements politiques et hors des pouvoirs publics.
Réaliser un travail critique du Contrat d’Engagement Républicain avec une proposition alternative : sur la base d’une charte fondée sur un autre type d’engagement réciproque afin de partager d’autres valeurs communes, discutées entre milieu associatif et pouvoirs publics locaux.
Renforcer la démocratie locale
Instaurer des instances avec des fonctions :
– de contrôle démocratique sur la légitimité politique et la justice sociale ;
– de critique des politiques publiques afin de veiller au respect du principe d’inconditionnalité ;
– de formuler des propositions d’actions alternatives, avec par exemple des conseils consultatifs.
Proposer des moments festifs et conviviaux
Ce plaidoyer a été initié et coordonné par
en partenariat avec ![]()
Ont contribué à sa rédaction :
– des collectifs citoyens d’accueil de personnes exilées, dans la région de Grenoble : CARM (collectif d’accueil de réfugiés en Matheysine), Un toit sur un Plateau (Plateau des Petites Roches), Vert’accueillants (Vercors), Toit et noix (Vorreppe), Accueillir ensemble en Chartreuse, Réfugiés & Solidarité, collectif La Forge (Tullins), Réfugiés Val de Dauphiné.
– des associations locales : La Ferme Ouche (Plateau des Petites Roches, Isère), Passerelles (Dieulefit, Drôme), Voies libres Drôme, Écrevis (Annecy, Haute Savoie), Le réseau Hospitalité 13, Grenoble Alpes Collectif (Fréquence commune, Isère), Accueil solidaire Grenoble, RUSF38 (réseau Université sans frontières, Isère), CISEM (Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers et les migrants), CGT-sans papiers Isère, ATTAC 38, Mimesis (Dieulefit, Drôme), ASTI Valence, Val de Drôme Accueil Réfugiés, Rosmerta, Avignon, Toit Migrant Solidarité, Angers, Commun Maïs, Montreuil, Kotoli Maisons solidaires, Bourg en Bresse, Le collectif 113, Marseille, RESF 54, Humacoop-Amel, Grenoble, Symphonie Équitable.
– des associations nationales : A4, CCFD-Terre solidaire, OCU (organisation pour une citoyenneté universelle), Fréquence Commune, Emmaüs France, L’école Thot, Solidarité Asie France, Utopia 56, La Cimade, Madera, MRAP, Les amoureux au ban public, GISTI, CRID, Tous migrants, Limbo, École enchantée, Montreuil, Observatoire des camps de réfugiés, Humanity Diaspo, Union syndicale Solidaires.
Fiches de portage du plaidoyer
- La citoyenneté de résidence pour re-créer du droit localement : des mots à la pratique
- Services publics pour toustes : déjouer la mise en concurrence
- Pour un accueil local inconditionnel en zones rurales
- « Immigration et insécurité, un mythe durable »
- « Déconstruire le mythe du grand remplacement »
- « Aides sociales : choisir le repas canadien plutôt que le gâteau d’anniversaire »
- Le kit de mobilisation du CCF-Terre Solidaire : à venir
Calendrier
WEBINAIRES :
- Webinaire commun avec CCFD-Terre solidaire, la PSM et le CTC : présentation des outils du plaidoyer, le 17 décembre de 18h à 20h, à confirmer
- Webinaire commun avec ANVITA et A4 : les spécificités du rural, date à venir
Retrouver le déroulé de l’écriture collective de ce plaidoyer
- 28 mars 2025, à l’occasion des rencontres de géopolitique critique : 1ère étape et début du processus collectif d’écriture du plaidoyer – partage des idées et expériences des acteurs divers de l’accueil avec un large spectre de points de vue exprimés au cours de plusieurs ateliers : valeurs politiques défendues ; argumentaires politiques et juridiques ; actions concrètes.
- 6 Juin 2025 : Partage et détermination des règles communes dans la rédaction du texte; consolidation des idées et points prioritaires à intégrer dans le plaidoyer
- 24 juin 2025 : Discussions d’approfondissement et première relecture.
- Septembre 2025 discussion finale et dernière relecture collective.
- Depuis mi septembre : appel à signature et soutien





